Bourgogne-Franche-Comté

Des enseignants qui se bougent pour la pratique du sport

Des enseignants qui se bougent pour la pratique du sport

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Image : Agathe Roger / Journaliste : Apolline Tarbé

Publié le 5 février 2024 à 13h30 - Durée : 7mn

Mardi 19 décembre, 16h30. Au gymnase Diderot de Besançon, un goûter attend les familles du quartier. Des dizaines d’enfants de classes de maternelle affluent depuis les écoles environnantes, accompagnés d’un parent et de leur enseignant. La joyeuse troupe prend des forces avant de participer aux activités sportives préparées et animées par La Ligue de l’enseignement du Doubs et Bouge +, une association de professeurs qui facilite la pratique du sport sur les temps scolaires et extra-scolaires.

Bouger en famille

Dans le gymnase, c’est l’effervescence. Les enfants, âgés de 4 à 8 ans, sont répartis en sous-groupes avec leurs parents et tournent sur différents stands sportifs. D’un côté, on danse au rythme de la musique et on pose en équilibre dès que la mélodie s’arrête. De l’autre, on slalome en trottinettes entre les obstacles. Au milieu de tout ça, on joue à l’épervier. Le niveau sonore est à son maximum, preuve que les enfants s’amusent comme des fous.

Difficile de dire qui fatigue le plus des enfants ou des parents, comme le note judicieusement Tiziri, 8 ans : « on est venus ici pour faire des pyramides avec mon papa, ça arrive pas tous les jours ! Il avait pas fait de sport depuis 15 ans, et moi j’ai l’habitude de faire du sport ». Entre deux figures, Nabil raconte : « c’est la première fois que je fais une soirée avec Bouge +. Je suis venu pour mes enfants, pour passer plus de temps avec eux. C’est bien, c’est chaleureux, tout le monde sourit surtout les enfants. Et les parents profitent en même temps ».

À l’autre bout du terrain, Amel abonde : « je participe pour partager quelque chose avec mon enfant, et parce que le sport c’est bien aussi ! » Ses quatre enfants, âgés de 5 à 10 ans, sont tous inscrits à Bouge + : « ma petite a commencé à faire de la piscine il y a deux ans, j’en ai une qui est à la patinoire et une qui est au karaté », liste Amel. « À la rentrée, ma grande va faire multisport tous les lundis, jusqu’à la fin de l’année ». Ravie de tout ce que Bouge + a apporté à ses enfants, elle ne tarit pas d’éloges sur l’association : « franchement, je trouve ça super. Ça ouvre beaucoup de portes à des enfants qui n’ont pas les moyens ou qui ne peuvent pas faire de sport. C’est très bien d’avoir mis ça en place ».

La découverte des sports

C’est en effet pour donner accès aux pratiques sportives que Bouge + est née. À Planoise, le besoin est criant : dans les 17 écoles primaires du quartier, qui compte 25 000 habitants, « seuls 2 ou 3% des élèves sont dans un club sportif », regrette Jimmy, président de l’association et lui-même enseignant en CP. Un état de fait d’autant plus dommage qu’étant classé « éducation prioritaire REP + », le quartier « dispose d’un tas de dispositifs, d’un tissu associatif assez riche », ajoute Coralie, secrétaire de Bouge + et maîtresse d’une classe de CM1. « Mais le lien ne se fait pas si facilement. Beaucoup de familles bloquent sur : ça va coûter cher, il faut y aller, on ne sait pas où c’est, parfois il y a la barrière de la langue… » Or pour les équipes enseignantes des écoles du coin, les bienfaits du sport ne font pas de doute. « On est convaincus, archi-convaincus, qu’un enfant n’est pas juste élève sur le temps scolaire et que s’il est heureux et plus épanoui en faisant du sport, ça peut aider à sa réussite au niveau scolaire », affirme Coralie.

« Un enfant n’est pas juste élève sur le temps scolaire »

Porté par cette conviction, un groupe d’enseignants fait appel à la Cité Éducative en 2021 pour financer 1500 licences sportives Usep, qui permettent également de proposer aux élèves des activités gratuites, après l’école. Le fonctionnement est le plus simple possible : « dès qu’ils sortent, à 16h30, il y a des enseignants bénévoles qui les prennent en charge, qui les emmènent sur des lieux de pratique où ils ont une séance d’une heure, et après ils reviennent sur leur lieu d’école où les parents viennent les chercher », explique Jimmy. Une douzaine de clubs sportifs du quartier mettent à disposition leur structure et leurs éducateurs, ce qui permet aux enfants de découvrir, sur des cycles de 6 semaines, des pratiques aussi variées que le patin à glace, le karaté, la piscine, le hip hop, le foot, la boxe…

L’association rencontre tout de suite un grand succès auprès des familles. En 2022, Bouge + permet déjà à 800 élèves de participer à 400 heures d’activités sur l’année. Pour Coralie, la recette magique est toute simple : «  Si on distribuait des flyers et on donnait rendez-vous au club à 200 mètres de l’école, il n’y aurait personne. Mais si on dit : rendez-vous dans votre école, on vient avec vous, on passe une heure au club puis on revient… c’est fou, mais ça prend. Ça a l’air d’être un détail, mais c’est ce qui change tout à Bouge + par rapport aux clubs : on y va ensemble ».

« Ça a l’air d’être un détail, mais c’est ce qui change tout : on y va ensemble »

En cas de places manquantes, l’association privilégie toujours les enfants qui ont moins l’opportunité de faire du sport dans leur cadre familial. « Ce matin, dans ma classe de CM1, j’ai dit aux élèves que j’avais 5 places pour faire du multisport avec le Centre de Loisirs Jeunes. Ils ont tous levé le bras. Alors j’essaie de cibler », illustre Coralie. « J’ai dû expliquer à une élève : tu fais déjà du hip hop et du karaté dans le cadre de ta vie personnelle, donc la priorité va à Alexis qui ne fait pas de sport chez lui ». Le fonctionnement solidaire est compris et respecté par les écoliers comme les familles.

Une première brique

Depuis qu’ils se sont initiés au karaté avec Bouge +, deux des quatre enfants d’Amel se sont inscrits au club du quartier. Amin, 5 ans, a décidé de continuer la piscine plutôt que la danse. Après le cycle de patinoire, le club a accueilli quinze nouveaux enfants. Un cheminement dont se réjouit l’association : pour la trentaine d’enseignants bénévoles, la découverte de nouvelles activités n’est pas une fin en soi. Elle permet aux habitants de Planoise de redécouvrir leur quartier, ce qu’il a à offrir, et de s’y investir. « Maintenant, quand les familles passent devant, elles se disent : ah oui, c’est le club de karaté, c’est le théâtre de l’espace, ici on peut aller au cinéma… » apprécie Jimmy. C’est tout un nouveau lien qui se tisse entre les habitants et leur quartier.

Régulièrement, l’association propose des sorties familiales sportives ou culturelles : une soirée au musée, un match de basket ou de handball au Palais des sports… Des rendez-vous qui rencontrent un franc succès, raconte Jimmy : « les familles sont contentes de se rencontrer, de découvrir des nouveaux lieux… On montre que ce n’est pas compliqué de passer une soirée sympa en dehors de son quartier, avec ses enfants ». Pour dépasser l’intimidation ou l’auto-censure des habitants peu habitués à quitter leur quartier, Bouge + compte encore une fois sur son atout infaillible : « on a toujours le même lieu de rencontre, c’est l’école ! On part de l’école tous ensemble et on se rend ensemble à l’activité ». Ces moments ont permis aux familles de se rendre dans des lieux qu’ils n’auraient probablement pas investis autrement, d’après Coralie, une autre bénévole : « je pense à la fois où on a emmené des familles tellement éloignées du centre-ville au Musée des Beaux-Arts : c’était un truc de dingue. Ils sont rentrés ravis ».

L’école au centre

En quelques années seulement, Bouge + a insufflé une nouvelle dynamique entre les enseignants et les familles de Planoise. L’association a fait de l’école un lieu convivial synonyme de confiance pour des familles parfois éloignées des institutions. « L’école devient le lieu du rassemblement. Cela permet de faire rentrer des familles par un autre biais que le scolaire », explique Jimmy. Grâce aux temps d’activités, les enseignants, les élèves et leurs parents se voient sous un nouvel œil, continue-t-il : « On change notre statut, on a moins de rapport avec l’institution. On est plus humain ».

« L’école devient le lieu du rassemblement »

Pour Coralie, les conséquences de ces moments sur ses relations avec les familles sont très nettes : « Qu’est-ce que c’est agréable de se voir dans un autre contexte de remplir un livret scolaire, annoncer des potentielles difficultés ou des choses qui ne vont pas en classe ! » souffle-t-elle, ravie de faire connaissance avec les parents dans un cadre plus léger.

« Après, le matin à l’accueil, les relations changent ! Et quand on rencontre tous les parents individuellement pour la scolarité, l’ambiance est beaucoup plus détendue ». Une observation partagée par l’ensemble de collègues : « il y a vraiment une proximité encore plus forte », approuve Coralie, appuyée par Stéphanie : « les mamans osent se confier beaucoup plus. C’est une autre relation, vraiment ».

Au gymnase Diderot, les activités prennent fin et l’ambiance Bouge + est à son comble. Les enfants ont les joues rouges et le sourire aux lèvres, et les mamans s’attardent aux côtés des maîtresses pour papoter. La semaine prochaine, ce sera les vacances et dès la rentrée, un nouveau cycle d’activité s’ouvrira pour les écoliers.

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Image : Agathe Roger / Journaliste : Apolline Tarbé

Publié le 5 février 2024 à 13h30 - Durée : 7mn

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